Je refile deux ou trois billets au gentil chauffeur qui nous a accompagné et attendu une bonne partie de la soirée et tiens la porte à Emma. Ce qui pourrait être pris pour un geste attentionné n’est en réalité qu’une conséquence de l’éducation qu’on m’a donnée quand j’étais gosse. « Tu te comporteras comme un gentleman avec les femmes. Tu leur tiendras la porte, les couvrira de cadeaux et veillera surtout à ne pas te tromper de nom lorsque tu leur feras l’amour. » Je souris en songeant aux paroles que m’a souvent répété mon père. S’il voyait à quoi ressemble ma vie aujourd’hui, j’ose espérer qu’il serait fier de son fils. Mon mariage avec Emma n’est peut-être pas des plus sérieux et relève davantage d’un arrangement de bons procédés que de véritables sentiments c'est vrai, mais il semble nous contenter tous les deux. N'est-ce pas là le principal? « Tu as passé une bonne soirée ? » Comme à son habitude, mon épouse m’ignore allègrement. « Non, parce que tu n’étais pas de très bonne compagnie ce soir ! Ça t’aurait tué de sourire ? » je demande en desserrant le col de ma chemise.

« Je ne vais pas me forcer à sourire pour ton assemblée de sbires, Ethan, ils sont idiots. » Même si sa remarque m'agace, je ne relève pas. Je connais suffisamment bien mon épouse pour savoir qu'elle déteste ce genre de petites sauteries. Le souci, c'est que j'en ai besoin pour continuer à faire illusion. « Si tu voulais une épouse ébahie il ne fallait pas en choisir une qui soit intelligente. » Je m'assoie sur une chaise afin d'ôter mes chaussures et en profite pour méditer sur ma réponse. « Malheureusement, il semblerait que certains détails m'aient échappé à l'époque. Comme le fait que sous ce joli minois se cache en réalité une enquiquineuse de première classe...» Oui, je vais trop loin. Je pousse la provocation à l'extrême, bel et bien décidé à déclencher une dispute. Mais notre relation n'étant pas basée sur des sentiments sincères, lui lancer des pics est la seule manière que j'ai trouvé pour communiquer avec elle.

uc.  

Une soirée banale qui donne suite à notre arrangement de petit couple parfait. J'avais enfilé une robe outrageusement sexy qui fasse jalouser les autres femmes de la soirée - et leurs maris - détaché mes cheveux, fait un effort considérable de rouge à lèvres. Point. Nous rentrons finalement, et il me tient la porte pour que je m'extirpe de la voiture qu'il vient de payer affreusement cher. C'est ce dont je rêvais, qu'on balance un billet de 100 comme si c'était 1 £, pour moi, pour ma vie. C'est ce que je souhaite toujours d'ailleurs, d'où le déplacement express de ce soir. Je soupire cependant quand, une fois les murs de la maison regagnés, Ethan décide de me faire une scène. « Tu as passé une bonne soirée ? » J'ignore son ton légèrement ironique en attendant ce qui, pour sûr, va suivre. Notre mariage a beau relever d'un arrangement tacite que nous n'avons jamais vraiment explicité, je connais mon mari - assez bien. « Non, parce que tu n’étais pas de très bonne compagnie ce soir ! Ça t’aurait tué de sourire ? » Je soupire et roule des yeux. « Je ne vais pas me forcer à sourire pour ton assemblée de sbires, Ethan, ils sont idiots. » J'espère clore là la conversation mais m'y prends finalement très mal en attaquant la qualité mentale des gens qui l'entourent. « Si tu voulais une épouse ébahie il ne fallait pas en choisir une qui soit intelligente », je réplique, acerbe. 


uc