« Maman non, please ! » Je baisse la voix et vérifie que personne ne peut m’entendre. « Je n’ai pas envie que vous veniez ! Puis je n’aurai pas de temps à vous consacrer. » Je hais cette conversation. Je hais ma mère pour m’obliger à avoir cette conversation et je hais encore plus mon père pour me faire haïr cette conversation. On n’a pas arrêté de me dire que maintenant j’ai 22 ans, je suis libre et indépendante, surtout qu’on devient de plus en plus connu mais qui est vraiment indépendant et libéré de ses parents à 22 ans ? Je soupire et décidé d’être ferme pour une fois. « Bon maman, je te dis que je n’ai pas le temps et je n’en aurai pas. On est en tournée, pas en colo ! Donc pour une fois, écoute-moi quand je te dis de ne pas venir. Vous n’allez pas dépenser l’argent que je vous ai donné dans un voyage pour voir votre fille alors que je ne suis pas disponible. Maintenant, on m’appelle donc je vais raccrocher. Bye ! » Je raccroche et m’appuie contre un mur avant de me laisser glisser par terre. Je hais lui parler comme ça mais rien que l’idée d’avoir mes parents ici me fait froid dans le dos. Je frissonne en imaginant mon père avec moi et ferme les yeux pour chasser cette idée. Adieu bon temps à NY et bonjour dépression et peur de voir débarquer mes parents à l’hôtel ! Je renifle et passe une main sur mon visage avant de tambouriner contre la porte de la chambre de Zack. « Zaaaaaaaaaack ! » C’est le seul qui comprendra et qui arrivera à me rassurer, à me changer les idées et oublier momentanément toute cette histoire. Il ouvre la porte en grand, le regard affolé. Il pourrait presque me faire rire. « Quoi ? Quoi ?! Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu vas bien ? Tu es blessée ? Diana ?! » Je fais la grimace et me jette dans ses bras. « Je vais bien. Enfin, je viens d’avoir ma mère au téléphone. Ils veulent venir me voir… » Je laisse en suspens ma phrase, persuadée qu’il a compris ce que cette visite implique.  

Il m’entraine dans sa chambre et referme la porte derrière lui. Je m’assieds au bord de son lit, hésitant entre me rouler en boule ou m’allonger de tout mon long et me cacher sous la couette pour pleurer. En attendant, je joue avec un morceau de sa couette. Ce n’est pas le moment de fondre en larmes, encore une fois. « Qu’est-ce que tu as répondu ? Non, j’espère. Je ne le laisserai pas t’approcher à moins de dix mètres, je te préviens. » Je ravale mes larmes et souris. Je ne sais jamais comment il fait pour trouver les bons mots qui me feront rire. « J’ai répondu non mais ma mère est une tête de mule. Ce n’est pas elle le problème. » Je secoue la tête. « Même à l’autre bout du pays, il arrive à me faire chier. » Je gémis et bascule en arrière. « Tu crois que je mérite ça ? »

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« Tu sais, Zack, tu devrais lui dire au lien de continuer à la regarder avec tes yeux de merlan f… » Avec un grognement, je balance à la tête de mon meilleur ami de toujours, et accessoirement le bassiste de notre groupe, sans lui laisser le temps de terminer sa phrase,  l’oreiller qui me servait jusque-là  de repose-menton. Alors qu’il s’écroule au sol, déséquilibré par mon attaque surprise, je commence à taper répétitivement ma tête sur mon matelas, profondément exaspéré. J’ai conscience que j’agis comme un ado de quatorze ans, mais pour être franc, je m’en fous complètement. De toute façon, j’ai jamais affirmé avoir passé le cap de l’adolescent pré-pubère. J’ai toujours trois ans d’âge mental, et j’en suis très fier. « Come on, Zack ! C’pas comme si c’était la première fois que tu craquais pour une fille ! » Je pousse un soupir de profonde exaspération et enfouie dramatiquement ma tête dans les couvertures. « Mais c’est pas n’importe quelle fille ! Je la connais depuis toujours et on est dans le même groupe et… uuuuuuuuuugh ! » Je ne le vois pas, mais je sais qu’il lève les yeux au ciel. « Ça change rien. » Je relève la tête et croise son regard. Le pire, c’est qu’il est sérieux. « Ça change tout. Tu te rends compte des répercussions que ça pourrait avoir sur le groupe ? » Il me sourit, un sourire sérieux néanmoins, qui me rappelle qu’on est adulte, malgré tout. « Bien sûr que je m’en rends compte, bro. Mais si tu ne fais rien, tu le regretteras toute ta vie. » J’écarquille les yeux, un instant déconcerté par la sagesse dont il fait preuve – je n’ai pas l’habitude. Il en profite pour se lever, toujours souriant, et, alors qu’il s’apprête à sortir, se retourne : « parles-lui ». Avec une moue, je replonge la tête dans mes couvertures, et il quitte la pièce avec un petit ricanement. Je pousse un grognement de frustration, et décide de rester dans cette position pendant un petit moment. Au même instant, quelqu’un tambourine à ma porte, et la voix de Diana me fait bondir hors de mon lit et ouvrir ma porte en grand. « Quoi ? Quoi ?! Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu vas bien ? Tu es blessée ? Diana ?! » Elle se jette dans mes bras, et je manque de perdre l’équilibre. Distraitement, sans même m’en rendre compte, je remarque qu’elle sent très bon, la vanille, son shampoing, probablement. Mentalement, je me fous une baffe. Bon Dieu. «Je vais bien. Enfin, je viens d’avoir ma mère au téléphone. Ils veulent venir me voir… » Sa réponse me fait froncer les sourcils. Sans attendre, je l’entraine avec moi dans ma chambre et laisse la porte se refermer derrière nous. « Qu’est-ce que tu as répondu ? Non, j’espère. Je ne le laisserai pas t’approcher à moins de dix mètres, je te préviens. » Je ne le laisserai pas toucher un seul de ses cheveux.

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